Parcours littéraire

Table des matières

  • Premiers contacts avec l’imaginaire
  • L’aide d’un handbook américain
  • Une pause pour mieux rebondir
  • Un point tournant
  • Un premier roman et des rencontres
  • Réorientation de carrière et autres rencontres
  • Dans le futur…

Premiers contacts avec l’imaginaire

C’est au primaire, au début des années 1990, que j’ai eu le coup de foudre.

À la fin de la troisième année, j’ai découvert L’étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson (1850-1894). En quelques lignes simples, ce roman expliquait comment les êtres humains sont bons et mauvais, et non bons ou mauvais.

Robert Louis Stevenson

Ce fut une révélation! Je subissais à l’époque l’enseignement religieux catholique encore en vigueur dans les écoles (et j’avais eu droit à une double dose, l’année d’avant, avec une religieuse comme institutrice). Or, dans cet enseignement, on nous affirmait quasiment qu’on était soit bon, soit méchant, et qu’on avait intérêt à être du bon côté. Et là, un roman de science-fiction argumentait une vision différente… Wow !

Par la suite, je découvris les romans de H.G. Wells (1866-1946). J’avais entendu parler de cet auteur dans le film C’était demain (Time after Time, 1979), où il était interprété par Malcolm McDowell. J’ai découvert ensuite que H.G. Wells non seulement avait vraiment existé, mais qu’il avait popularisé plusieurs thèmes majeurs de la science-fiction: la machine à explorer le temps, l’homme invisible, l’invasion de la terre par les martiens, la création de chimères humain-animal…

H. G. Wells

J’ai dévoré presque tous les livres de science-fiction publiés chez Gallimard Jeunesse, sans oublier les bandes dessinées que j’empruntais à la bibliothèque municipale ou que mes parents m’achetaient. Bien vite, j’ai voulu fabriquer mes propres histoires. L’impulsion est venue naturellement. Au début, ce que je tapais sur la vieille machine à écrire mécanique que nous avions n’était que des fanfictions, mais c’est une étape bien naturelle pour un futur auteur!

Avec le recul, je réalise une chose : j’ai toujours adoré la science-fiction parce qu’elle traitait de questions qui me préoccupaient. Je me suis toujours interrogé sur le monde qui m’entourait, ce qui a éveillé ma curiosité envers les sciences naturelles (plus tard, je me suis d’ailleurs orienté vers la biologie, à l’Université). Seulement, les sciences naturelles engendraient des applications technologiques capables de bouleverser la société, et cela soulevait des questions : que devait-on faire ? Que devait-on permettre ? Que devait-on interdire ? Quel monde voulons-nous construire ? La science-fiction abordait ces questions beaucoup mieux que les autres genres littéraires.

Au moment d’entrer au Cégep, j’adorais l’épouvante et j’en écrivais beaucoup. Les récits d’horreur que j’imaginais, toutefois, s’enracinaient toujours dans la science-fiction. Je rencontrais cependant un problème de taille: je ne parvenais jamais à terminer mes textes…

L’aide d’un handbook américain

J’étais incapable de finir mes textes dès que ceux-ci dépassaient les cinq pages. J’étais trop impatient : j’aurais aimé rédiger des romans en trois jours, mais c’était impossible!

Puis en furetant dans la bibliothèque du Cégep, je tombai sur un manuel  intitulé Votre premier roman : comment l’écrire et le faire publier. Écrit par Oscar Collier, un agent littéraire de New York, cet ouvrage pragmatique – très handbook – abordait les aspects concrets de la création littéraire : il expliquait comment écrire sur le long-terme et, surtout, vous faisait prendre conscience de l’importance de la réécriture. Avec Collier, j’ai compris qu’un roman ou une nouvelle : 1) ne s’écrit pas en un jour et 2) ne sera jamais présentable dès le premier jet.

Une fois cela compris, je tentai la rédaction d’un roman de loup-garou (à la sauce SF). Je l’écrivis à la main, page après page… et parvins à le finir!

Ce fut une étape marquante. Je pouvais vraiment rédiger une histoire sur près de 300 à 400 pages!

Ce roman de loup-garou ne trouva jamais preneur, ce qui fut une bonne chose : c’était un manuscrit maladroit, aux nombreuses lacunes! Toutefois, sa rédaction et sa proposition à des éditeurs furent une étape formatrice de mon cheminement : je pus expérimenter le processus de soumission et d’attente… et voir qu’on peut survivre à un refus !

Surtout, cela me permit de mettre en pratique la ténacité que doit avoir un auteur : peu importe la réponse d’un éditeur, il faut toujours chercher à s’améliorer. Pour un futur écrivain, il n’y a rien de pire que de rendre l’éditeur entièrement responsable d’un refus, d’avoir le sentiment qu’on n’a rien à se reprocher… Il ne faut pas mélanger ténacité et manque d’autocritique!

De ma production littéraire du Cégep et du baccalauréat, surtout des histoires d’épouvante mâtinées de SF, il n’est resté qu’une montagne de papiers inexploitables. Un seul de ces textes a été publié, dans le fanzine Horrifique. Une montagne de textes, beaucoup de refus, une seule publication… mais je n’ai jamais lâché prise!

Une pause pour mieux rebondir

Alors que j’étais étudiant à la maîtrise à l’UQAC, je redécouvris la bande dessinée, explorant les titres destinés aux adultes (c.-à-d. aux intrigues plus complexes). Un matin, je lus sur le Web le parcours d’un bédéiste, dont j’ai malheureusement oublié le nom. Son histoire m’inspira : cet artiste, au début de sa carrière, avait essuyé beaucoup de refus. Il recevait des encouragements, mais jamais de lettre d’acceptation. Il avait alors décidé de faire une pause : pendant un an, aucune soumission aux éditeurs! Il allait étudier les commentaires qu’on lui avait faits et repenser son style. Quand, passé ce temps, il envoya de nouvelles planches, on le publia aussitôt.

J’ai décidé de l’imiter.

J’ai rassemblé toutes mes lettres de refus pour en extraire les commentaires constructifs. Je me procurai Comment écrire des histoires d’Élisabeth Vonarburg (la première édition), que j’annotai. Au terme de cette pause, je constatai que je n’étais pas à l’aise dans l’épouvante : mes histoires n’étaient que des successions d’effets-chocs plaqués sur des intrigues creuses. Ce qui m’interpellait, c’était la science-fiction… Et après avoir lu Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, je commençais à comprendre l’importance d’avoir des personnages fouillés. À l’époque, j’étais en effet aux prises avec le paradigme selon lequel l’intrigue est beaucoup plus importante que les personnages. Je réalisais, maintenant, que personnages et intrigues sont indissociables : les deux s’alimentent mutuellement.

Je commençai à développer un univers de science-fiction que je mis en scène dans une nouvelle intitulée Pièces manquantes. Je la soumis à la revue Solaris en 2006, peu de temps avant de quitter Chicoutimi pour Montréal. Je migrais dans la métropole pour faire un doctorat en bioéthique à l’Université de Montréal.

En 2007, je reçus la réponse de Solaris

Un point tournant

…qui refusait « Pièces manquantes ». 😁

Ce n’était pas mon premier refus de la part de Solaris. Mais celui-là fut différent. Joël Champetier, le rédacteur en chef, avait remarqué la qualité du texte. Devant mes questions pertinentes, il me conseilla de participer à l’atelier d’écriture d’Élisabeth Vonarburg. Je contactai cette dernière puis, après avoir assisté à mon premier Congrès Boréal en avril 2007, je participai à son atelier au mois suivant. Les deux événements avaient lieu à l’Université Concordia.

L’atelier d’Élisabeth fut un point tournant. J’y rencontrai des gens formidables. Mais surtout, j’appris comment questionner mes histoires et les améliorer.

Le texte rédigé pour cet atelier, Le premier de sa lignée, fut accepté par Solaris quelques mois plus tard. Il fut publié l’année suivante. Par la suite, je publiai plusieurs autres nouvelles, dans Solaris, Alibis et Zinc.

Les personnages de Pièces manquantes furent réemployés dans un autre texte, Pour l’honneur d’un Nohaum, qui remporta le prix Aurora-Boréal de la meilleure nouvelle francophone en 2011.

Illustration originale de Pour l’honneur d’un Nohaum, par Karine Charlebois

Cette époque fut significative, parce qu’en dehors de mes premières publications, je fis de plus en plus connaissance avec le milieu SFFQ (science-fiction et fantastique québécois) et sympathisai avec des gens formidables. En 2009, j’assistai à la WorldCon de Montréal, où je pus rencontrer quelques noms légendaires des littératures de l’imaginaire américaines et européennes.

Un premier roman et des rencontres

Sans nier l’importance des nouvelles dans mon cheminement, mon ambition a toujours été d’écrire des romans. Aussi, dès l’automne 2008, j’ai commencé à esquisser un roman de science-fiction, intitulé Le Jeu du démiurge. La conception, la rédaction et la réécriture de ce récit à l’univers complexe, un peu à cheval entre la science-fiction, l’aventure et la fantasy, m’ont accompagné pendant tout mon parcours en bioéthique. Le Jeu du démiurge a constitué un contrepoids à la rédaction de ma thèse : il m’a permis d’aller jusqu’au bout!

En 2012, je soutins enfin ma thèse. Le lendemain, je visitai la Comiccon de Montréal… à laquelle participait Malcolm McDowell, l’acteur qui avait incarné H.G. Wells dans C’était demain et qui avait, indirectement, amplifié mon intérêt pour la science-fiction. Alors que quasiment tout le monde allait le rencontrer pour son rôle dans Orange mécanique de Stanley Kubrick et dans Star Trek : Generations, j’arrivai avec mon DVD de C’était demain. McDowell, un homme assez facétieux, fut aux anges : c’était son rôle préféré – ce qu’il a affirmé à plusieurs reprises dans d’autres entrevues.

Votre hôte avec Malcolm McDowell (septembre 2012)

Peu de temps après, je quittai Montréal pour Québec, afin de travailler au Gouvernement du Québec comme conseiller en éthique.

En mars 2013, je rencontrai un charmant asiatique, fan d’anime et de films de genre, qui allait devenir mon compagnon de vie.

Trois jours après notre rencontre, les Éditions Alire acceptaient de publier Le Jeu du démiurge.

Après direction littéraire, le roman sortit en mars 2015. Pendant tout le processus, mon compagnon de vie m’apporta un soutien inestimable. ❤

Réorientation de carrière et autres rencontres

Dans la foulée de la publication du Jeu du Démiurge, je participai bien entendu à plusieurs salons du livre, et j’eus la chance d’être invité à trois reprises à des congrès en France – les Imaginales (Épinal) et les Utopiales (Nantes). Ces voyages furent l’occasion de croiser la route de plusieurs grands noms de l’imaginaire, d’avoir des discussions formidables avec eux et même de nouer de solides amitiés. Et d’en revenir chaque fois la tête pleine d’idées pour des histoires…

Les rencontres avec d’autres personnes sont l’une des plus grandes sources d’enrichissement de l’existence.

En 2016, je délaissai mon emploi au Gouvernement du Québec pour devenir réviseur linguistique à temps plein, et ainsi mieux équilibrer vies professionnelle et littéraire. J’effectuai un certificat en rédaction professionnelle et révision linguistique pour me doter de nouveaux outils. Désormais travailleur autonome et libre de mes mouvements, je retournai avec mon amoureux à Montréal, que nous habitons toujours

Même si je ne travaille plus exclusivement dans le domaine de la bioéthique, je reste fondamentalement un bioéthicien : tout ce que j’ai appris me sert dans mes nouvelles activités. Je dirais même que, maintenant, je fais de la bioéthique d’une manière plus stimulante! Que ce soit dans le domaine de la science-fiction ou celui de la fantasy urbaine, comme dans mon second roman Le Sculpteur de voeux, paru en 2020.

Dans le futur…

Il est bien sûr impossible, jusqu’à un certain degré, de prédire l’avenir. Mais je compte bien dans les prochains mois, explorer le genre de l’épouvante (mon prochain roman sera une histoire à lire le soir pendant les fraîches soirées d’octobre), et m’adonner à d’autres expérimentations en science-fiction, fantastique et fantasy… Maintenant que j’ai organisé mon existence pour mieux écrire, il faut livrer la marchandise! Sans oublier de s’adonner à cette chose essentielle : apprécier les bonnes gens autour de nous. 😊